Le spectacle des grandes marées
Lorsque l'on a grandi en bordure de l'océan, la marée n'est finalement qu'un détail du quotidien.
On y pense quand on va à la plage aux beaux jours si l'on préfère que la mer soit haute pour ne pas se baigner dans les algues (et pour ne pas avoir à marcher pendant des dizaines de mètres avant de pouvoir tremper un orteil).
On y pense lors des forts coefficients quand les vagues débordent par-dessus les digues et qu'il faut faire un détour pour ne pas esquinter la carrosserie.
On y pense lorsque, dans mon enfance à l'aber, on s'en allait emprunter une plate pour improviser une balade entre deux rives...
On y pense quand on prévoit une partie de pêche à pied, fortement motivé à gratter le sable pour y ramasser quelques palourdes ou alors à fouiner dans les rochers pour y déloger quelques bigorneaux.
Par tous les temps et en toute saison, le rythme des marées est aussi régulier que celui d'une pendule. Rien de plus prévisible et de plus harmonieux que ce cycle naturel, ce mouvement ondulatoire aquatique.
À marée basse (ou à "basse-mer"), on ira patauger dans les flaques laissées par le jusant. On se fera la réflexion que la marée parvient même à déplacer l'horizon tant celui qui se révèle une fois que l'immensité liquide s'est retirée nous paraît indéfinissable, imperceptible.
Barques échouées, blocs de ciment, ancres et chaînes, grappins, bouées, étoiles pantelantes, flaques mordorées, pêcheurs de gravette, tel est le spectacle d'un port breton à marée basse.
Mais la marée, on en parle bien peu il me semble. Ce n'est que lorsque son activité se voit conjuguée aux assauts du vent et des intempéries que nous lui accordons une place de choix au journal de 20h. C'est alors que tout le monde tourne son regard vers cet horizon bleu-gris menaçant, on s'inquiète de l'état des digues et le sujet de l'érosion est dans tous les débats. On se rassemble aux heures de marée haute (ou "pleine mer") pour regarder le spectacle des vagues, pour sentir au plus près cette énergie et cette violence naturelle.
On ne parle plus que de l'écume et de ces vagues géantes qui roulent, qui claquent et qui frappent le littoral. Il se peut que grâce à ces rafales qui balayent actuellement la façade atlantique, tout le pays soit baigné par cet air iodé qui vient du grand large...
J'aime la marée, j'aime tout ce qui nous rappelle combien notre existence est liée à ces éléments qui nous entourent. J'aime quand ces mêmes éléments nous interpellent sur nos actions et nous montrent combien nous sommes impuissants à lutter contre ces forces imparables.
Pour voir davantage de photos, je vous conseille le Blog de Philip Plisson qui a fait un très beau reportage sur la tempête Petra.
Enfin, j'ai trouvé une animation qui m'a semblée relativemment bien faite pour expliquer ce phénomène des marées:
La marée, c'est la Lune omniprésente et vive, dans nos esprits, dans nos humeurs et sous nos pieds où le magma s'étire comme de l'eau. [...] Pas un écosystème ici-bas qui ne soit une horloge vivante, réglée, minutée par le champ électromagnétique terrestre et celui des astres environnants - dont la Lune, notre premier voisin.