Quand une mère disparaît
Il m'a fallu plusieurs semaines avant de m'asseoir auprès de mes demoiselles et de trouver les mots pour leur expliquer ce qui était arrivé à leur grand-mère.
À chaque fois que je voulais m'accorder le temps nécessaire, je la revoyais tenir leurs deux petites mains pour les accompagner à notre voiture, la veille de sa mort.
Mon cœur se serrait et il m'était impossible alors de me concentrer...
Pourtant c'était bien de ces émotions qu'il fallait que je leur parle, de cette tristesse immense que l'on ressent lorsqu'une personne qui nous est chère disparaît.
Je n'ai jamais cherché à leur cacher mon chagrin mais je n'ai malheureusement pas eu le courage de leur en parler alors que je devais moi-même gérer mon propre deuil.
Je m'attendais à une incompréhension de leur part face à des mots qu'elles ne connaissaient pas encore.
Je me suis retrouvée à consoler une petite fille en larmes qui ne comprenait que trop bien ce que j'avais tant de mal à lui confier. Alors je leur ai montré des photos où leur grand-mère était à leurs côtés et j'ai essayé de leur expliquer que cela resterait pour toujours dans leurs souvenirs. Même si elles vont grandir sans connaître cette relation unique que l'on tisse avec nos grand-parents, je ferai de mon mieux pour leur transmettre tout ce que j'ai moi-même appris de ma mère.
Parvenir à leur en parler, cela voulait surtout dire que j'avais réussi à surmonter le choc qui a suivi l'annonce de la nouvelle car jusqu'alors, je refusais d'admettre la vérité. Le fait d'avoir été habituée, pendant tant d'années, à voir ma mère de façon ponctuelle, je gardais inconsciemment cet espoir naïf de la revoir tôt ou tard.
Sa disparition m'a fait prendre conscience, de manière brutale évidemment, de cette urgence à VIVRE intensément et pleinement ce temps qui nous est accordé. Tout semble avoir tellement moins d'importance une fois qu'il est trop tard... Cette épreuve me rend plus forte mais à la fois bien plus consciente de la fragilité de notre existence.
Perdre sa Maman, c'est perdre sa mémoire et perdre ce rempart qui nous confronte à notre propre mortalité.
La première question que m'a posée Miss N. après notre conversation a été:
"Et toi aussi tu vas mourir?"
Je lui ai répondu que oui, qu'un jour ce serait inévitablement mon tour mais que pour le moment elle pouvait compter sur ma présence à ses côtés, tout en souhaitant que ce soit le plus longtemps possible...
J'aimerais que cet article soit le dernier où j'aborde ce sujet car malgré toute la douleur qui entoure nos journées, il me faut maintenant réapprendre à vivre en dépit de son absence. Je ne peux que lui rendre hommage en gardant dans ma mémoire les moments de bonheur que j'ai vécus grâce à elle.
Je pensais que ta mort était un gâchis, un désastre, un deuil presque impossible à endurer.
Je commence seulement à comprendre que ta vie fut un cadeau, une bénédiction, une somme d'amour qui m'accompagneront toujours.