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Madame Ordinaire

Famille décomposée

1 Février 2013, 09:30am

Publié par Madame Ordinaire

On aura qu'à faire
Comme si tout allait bien
Si c'est pas vrai
Ça fait rien

On n'aura qu'à faire semblant,

Quitte à faire sans,
Quitte à faire comme
Nos parents

Comme un bon p'tit soldat, bon apôtre

Pas un geste, pas un mot
Plus haut que l'autre.

[Zazie - La Dolce Vita]

 

***

 

Mr Ordinaire m'a dit de nombreuses fois que je devais arrêter de toujours tout garder pour moi. Que je devais apprendre à évacuer ce qui me ronge plutôt que de chercher à toujours tout enterrer. Il avait certainement raison car c'est à plusieurs reprises que tout m'est revenu en pleine figure. 

J'ai essayé d'aller voir "quelqu'un" mais à la fin du premier rendez-vous j'ai entendu: "J'étouffe de vous voir aussi impassible après tout ce que vous venez de me dire".

Alors je n'y suis pas retournée.

Cela fait tellement longtemps que je maîtrise mes émotions qu'il pourrait difficilement en être autrement.
On me dit que je suis froide, insensible, forte face à la douleur, résistante face aux épreuves.
En réalité, j'absorbe les coups, je les enregistre, je les mémorise. À l'intérieur je suis persuadée d'être un véritable champ de bataille mais à l'extérieur, rien n'y paraît.

Je suis marquée par des milliers de souvenirs dont je n'arrive pas à me débarrasser. Je voudrais tant faire taire cette petite voix qui se pointe au moment où je ne l'attends pas et qui me rappelle ce que je croyais avoir oublié.  

 

J'ai pensé qu'en mettant des mots sur tout ce qui m'obsède, qu'en cédant à ce besoin d'écrire, je parviendrais peut-être à me défaire de cette maladie du souvenir... 

 

Nous étions six.

Nous avons partagé un toît pendant près de vingt ans mais aujourd'hui plus rien ne nous unit. Il y a ce sang dans nos veines, ces gênes et ce nom que l'on partage. Rien de plus. Des directions opposées, des morceaux éparpillés, des éléments qui ne s'emboîtent plus.

 

Cela fait des années que ma mère n'est plus que l'ombre d'elle-même. J'ai dépensé tant d'énergie à essayer de la faire revenir que je suis vide de sentiments pour elle. Je ne ressens rien de plus que ce goût amer lorsque j'entends ses mots s'emmêler de l'autre côté du combiné.

Cela fait des années que je me demande si un jour mon père réalisera que le temps a passé, que bien des évènements nous ont éloigné et que rien ne pourra jamais y changer.

Cela fait une année que ma soeur m'a fait sortir de sa vie. Sans préavis. Sans explication. Chaque jour qui passe je me demande comment nous en sommes arrivées là. Ce que je pensais être la plus belle des expériences à partager est devenu ce qui nous a séparées. Le poids des maux de l'enfance et des blessures secrètes a eu raison de cette complicité d'antan, de tout ce qu'il pouvait encore y avoir à échanger. 

Cela fait des années que je m'interroge sur les raisons qui ont poussé mon frère à faire comme si je n'avais jamais existé. À essayer de comprendre ce qu'il porte en lui pour être à ce point indifférent.  

 

Famille.jpg 

Si seulement je pouvais vomir ce que j'essaye de digérer depuis tant d'années. Si seulement je n'avais pas été si naïve de croire qu'il pouvait en être autrement avec le temps. Si seulement je n'étais pas à ce point idéaliste. Si si si...

J'ai la nausée rien que de remuer tous ces mots. Mais qu'est-ce que j'ai pu attendre pendant toutes ces années? Comment ai-je pu croire que le fait d'avoir ma propre famille pouvait redonner du sens à nos liens?

Aujourd'hui je ne veux plus ruminer ce passé qui me pèse, je ne veux plus écouter-comprendre-excuser-supporter-accepter-tolérer. Je ne veux plus me rendre malade à chaque nouvel épisode, à chaque nouvelle épreuve. Je ne veux plus rien attendre. Je n'attends plus rien car je n'ai plus rien à donner.

Je rêvais de partager tant de choses encore. Opinions, expériences, souvenirs, plaisirs simples et rires d'enfants. À croire que j'étais la seule à espérer que cela puisse importer.

Aujourd'hui est le Hier de Demain. J'ai fait du tri dans mes priorités, j'ai mis de l'ordre et j'ai fait de la place pour de nouveaux souvenirs. J'ai fait disparaître ces images qui ne servaient qu'à me rappeler combien rien ne semblait avoir compté. Je me suis servie de cette nausée pour tout évacuer, tout enfermer sur le papier. Il faut que j'arrive à tourner cette page, à me débarrasser de ces liens toxiques et accepter. Accepter que rien de ce que je puisse faire pourra les faire changer.

Ma famille d'origine est décomposée, divisée mais moi je dois apprendre à construire une nouvelle famille autour de mes propres ruines. Une famille avec ces valeurs qui me portent, ces détails qui peuvent changer le quotidien en succession de moments uniques. Tant qu'il y aura cette force indescriptible au fond de moi qui me poussera à partager ce qui compte vraiment, je continuerai à avancer et à grandir pour vivre intensément.

 

***

 

"Rien n'est plus dangereux pour toi que ta famille, que ta chambre, que ton passé" [André Gide].

 

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A
<br /> Je ne connais pas cette situation là mais j'imagine que ça ne doit pas être facile à vivre...Comme tu dis, il vaut mieux tourner la page car sinon on est malheureux.<br /> <br /> <br /> Je te souhaite bon courage et plein de petits bonheurs à venir... <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Ça prend du temps de tourner la page mais je suis persuadée que cela sera bénéfique...<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Comme je te comprends... La seule solution, c'est de changer de regard à ce sujet. Changer les gens et les situations, j'ai compris que je ne pouvais pas, même si je le souhaitais très fort, même<br /> si c'était "pour le bien de tous" selon moi. Je ne peux que changer mon regard, cesser d'attendre, me concentrer sur l'essentiel et évoluer.<br /> <br /> <br /> Bon courage à toi
Répondre
M
<br /> <br /> Ce que tu dis, c'est le peu que j'ai retenu des propos de la thérapeute que j'avais vue. Sachant que je m'épuise à vouloir changer les gens, il serait bien plus efficace d'ajuster mon<br /> comportement aux personnes qui pourraient ne pas me convenir. Me centrer sur ce qui importe réellement, avancer! Merci à toi :-)<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Cette chanson de Zazie est la plus triste de son répertoire je trouve, mais elle n'en est pas moins belle <br /> <br /> <br /> J'ai envie de te dire comme dans les autres commentaires : Non tu n'es pas seule, oui tu peux t'en sortir, d'ailleurs tu es sur le chemin, ça se sent dans tes écrits. Et effectivement, un autre<br /> psy pourrait t'aider, crois-en mon expérience. Ressortir d'une séance avec le coeur moins lourd, les épaules moins chargées, ça aide. Le tout est de trouver la bonne personne. Je t'envoie plein<br /> de courage et de douces pensées.<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci pour tes mots, je ne pense pas que j'aille voir quelqu'un dans l'immédiat. En réalité, le fait de tout remuer pour en parler ne me fait pas tant de bien que ça pour le moment. Je préfère<br /> attendre d'y voir un peu plus clair afin d'y porter un regard différent...<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Pareil ici pour moi...j'ai fait le deuil de mon ancienne famille depuis que j'ai créé la mienne et mon couple va bien mieux depuis que j'ai fait ça. Moi aussi je me suis fait aidée, je crois que<br /> c'est important...Ma famille maintenant c'est celle que j'ai fondé avec mon mari et j'ai des amies qui valent bien plus que des soeurs...<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Je ne savais rien de tout ça... Si jamais tu souhaites en parler par MP, n'hésite pas. Bises<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> La chanson le dit "on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille".<br /> <br /> <br /> Si ça peut te conforter, tu n'es pas seule dans ce cas-là ; avant de quitter le nid familial, je pensais faire partie d'une famille soudée. Je me suis bien plantée.<br /> <br /> <br /> Beaucoup d'éloignement, de désaccords, d'incompréhensions entre parents et frères et soeurs. J'ai beaucoup souffert de tout cela, mais maintenant, cela me glisse dessus.<br /> <br /> <br /> J'ai moi aussi voulu "soigner" ces maux afin de pouvoir avancer avec ma propre famille ; au bout de 4 séances, j'avais réussi à mettre le doigt sur LE problème et la psy m'a aidée à me détacher<br /> dudit problème. Si bien qu'aujourd'hui, tout va mieux dans ma tête.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Depuis deux ou trois ans, j'ai pu assister à la réunification de ma famille : beaucoup ont mis leurs rancoeurs de côté, mais il faut savoir que chez nous, sans histoires, mes soeurs ne vivent<br /> pas.<br /> <br /> <br /> Alors régulièrement, il y a des conflits.<br /> <br /> <br /> Môssieur m'a appris à en faire fi et à me détacher totalement des membres de ma famille, sans les ignorer, en les voyant toujours (environ une fois par mois chez mes parents). Et aujourd'hui, je<br /> ris d'écouter leurs histoires débiles et je me réjouis en regardant mes filles sourire, et voir mon couple qui va mieux, vraiment mieux.<br />
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M
<br /> <br /> Je comprends tout à fait ce que tu dis, j'ajouterais en plus les non-dits et les mensonges au lot de motifs d'éloignement. Tu as bien de la chance d'avoir avancé à ce point, moi je suis encore au<br /> stade où j'escalade la montagne tandis que toi tu l'as déjà dépassée. Mais j'avance, je suis seule à le faire car Monsieur ne veut pas juger qui que ce soit. Une fois que je pourrai en parler<br /> sereinement, je saurai que la page est tournée... Bises<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Wouh, ce billet... Je suis toute pleine d'émotions.... Beaucoup de courage à toi, je ne sais pas ce que je peux ajouter à cela... Et pourtant j'aurais des tonnes de choses à dire.<br />
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M
<br /> <br /> Ce n'est pas évident de s'ouvrir sur une page publique. On censure bien des mots lorsque l'on  sait que l'on va être lue... N'hésite pas à m'en parler par mail si le coeur t'en dit... Bises<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Très beau billet... sincèrement.<br /> Je suis choquée par les dires du professionnel de santé suite à ton 1er rendez-vous.<br /> J'ai envie de te dire que tu as déjà avancé dans ce travail de deuil... Le deuil de ton ancienne famille. Mais effectivement, il y a beaucoup de ruines, de casseroles derrière toi. Même si c'est<br /> dans ton dos, cela t'appartient & fait ce que tu es aujrd'hui. Pour soulager tout cela, je crois qu'il faut les affronter... avec eux ou avec un psy. Je t'encourage sincèrement à essayer<br /> d'aller en voir un ou un autre... ou encore un 3è... Rencontrer celui ou celle qui saura t'écouter, t'encourager dans la compréhension & l'acceptation de ton passé... Je me doute bien que<br /> c'est difficile & qu'il faut du temps pour faire la démarche. Ton expérience a fait que tu as sans doute reculer d'un pas ou plus... Ms sincèrement, réfléchis à tout cela... Dès lors que tu<br /> seras vraiment "en accord" avec ton passé, plus jamais il n'entravera d'une manière ou d'une autre ton présent, ton futur.<br /> Pleins de jolies pensées pour toi, je t'embrasse. <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci pour tes conseils. Ce sujet est très délicat à aborder car malgré les amitiés qui m'entourent, je ne parle jamais de ma famille, ce n'est pas un sujet qui a sa place dans nos conversations.<br /> Je reste persuadée que bon nombre de mes éclats de voix à la maison sont liés à tout ce qui me pèse et rien que pour ça, j'aimerais pouvoir "vider mon sac" comme on le dit souvent. J'essayerai de<br /> trouver la personne qui pourra m'aider ou ce qui me permettra d'avancer... Bises à toi<br /> <br /> <br /> <br />