Faut-il aimer Noël à tout prix?
Dans moins de 48 heures, nous serons nombreux à nous trouver assis autour d'une table couverte de plats auxquels nous goûtons probablement une seule fois dans l'année. Huîtres, foie gras, noix de St Jacques, langoustines, saumon, dinde, chapon, cerf, zèbre ou même kangourou, bûche, macarons et autres truffes chocolatées.
Des bougies seront peut-être allumées pour l'occasion, des guirlandes feront chauffer leurs ampoules pendant toute la soirée, la vaisselle des grands jours sera de sortie, des airs de Frank Sinatra, Elvis Presley ou encore les cloches de Jingle Bells résonneront dans les enceintes (et dans nos oreilles), une montagne de paquets trônera fièrement au pied du sapin (à moins d'être cachée sous un lit ou même au fond d'un placard en attendant que les plus petits aillent se coucher), les discussions habituelles reprendront du service, tout comme les robes à paillettes et les escarpins dorés.
Je ne sais pas si cette description correspond à une éventuelle majorité mais c'est actuellement le seul message que je perçois à travers les affiches publicitaires qui ont envahi nos rues depuis plusieurs semaines et à travers l'avalanche de prospectus qui encombre notre boîte aux lettres.
Cette année, j'ai eu beaucoup de mal à me plonger dans l'ambiance des fêtes de fin d'année. Si je n'ai pas manqué de décorer notre sapin ni même de rapporter un calendrier de l'Avent à mes Demoiselles, le sujet des cadeaux à offrir ou du menu pour le Réveillon est bien plus délicat. À l'heure où j'écris ces lignes, les cadeaux ne sont pas tous achetés et le dit menu n'a pas encore été choisi.
J'ai la furieuse impression d'être malmenée par cette société du toujours plus et je commence à manquer d'endurance pour cette éternelle course à la dépense...
Quelques jours avant les vacances, Miss N. est rentrée de l'école un peu fâchée à cause d'une phrase maladroite prononcée par l'une de ses copines:
"De toute façon, le Père Noël n'existe pas. Ce sont les parents qui achètent des cadeaux".
À ce moment là, la déception que j'ai cru voir dans son regard m'a fait terriblement mal. Si cette année nous offre un dernier sursis (la Demoiselle refuse de croire ce qui lui a été dit), ce qui me rend le plus malheureuse est cette crainte de ne pas être parvenue à transmettre l'esprit de Noël tel que je le conçois. Bien au-delà de la surprise du cadeau que l'on découvre au pied du sapin, c'est toute cette ambiance chaleureuse et conviviale autour des fêtes que je souhaitais transmettre, ce moment hors du temps que l'on vit lorsque les jours raccourcissent à l'extérieur mais s'adoucissent à l'intérieur.
Si je n'aime plus Noël comme j'ai pu le faire lorsque j'étais enfant, j'aime par-dessus tout voir la magie dans le regard de mes Demoiselles lorsque les lumières de fête s'allument sur la ville, leur petit bonheur du matin lorsqu'il faut ouvrir une nouvelle case dans le calendrier de l'Avent, leur impatience lorsqu'elles comptent les jours qui les séparent du Réveillon, la tendresse de leurs souvenirs du Noël passé, les histoires merveilleuses qu'elles s'inventent autour du fameux Père Noël, le plaisir de déambuler dans les allées du marché et se régaler des parfums de pain d'épices, nougatine ou pommes d'amour...
Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'aimer Noël pour parvenir à profiter des moments que nous partageons à ce moment de l'année. Lorsque l'on a la chance d'avoir les personnes que l'on aime à nos côtés, ce ne sont pas de nouveaux objets qui nous rendront plus heureux mais bien le temps que l'on aura pris la peine de consacrer à échanger, rigoler, trinquer, cuisiner et à se fabriquer de beaux souvenirs.
[ Photos: marché de Noël et décorations dans les rues de Brest ]